1. Une blessure soudaine
Le mot « traumatisme » vient du grec et signifie « blessure ». Qu’il s’agisse d’un tremblement de terre, d’un attentat terroriste, d’une agression ou d’un accident de voiture, le traumatisme est comme un éclair qui déchire soudainement le sens de la réalité, produisant une profonde lacération dans la vie d’une personne entre un « avant » – dans lequel le monde était sûr et prévisible – et un « après », dans lequel rien n’est plus sous contrôle. Lorsque le traumatisme se répète comme dans une sorte d’éternel présent, nous sommes confrontés au syndrome de stress post-traumatique. Les personnes souffrant de ce trouble (TSPT) éprouvent des souvenirs récurrents et intrusifs de l’événement jusqu’à de véritables flashbacks, des cauchemars très vifs de l’expérience traumatisante, des insomnies, de l’irritabilité, de l’anxiété généralisée et de la tension.
Ces symptômes peuvent être associés à un état physique de vertige, à une réduction marquée de l’intérêt pour des activités auparavant agréables et à un sentiment de détachement ou d’éloignement des autres personnes. Dans tous ces cas, on peut dire que la personne reste littéralement « piégée » dans le passé, qui continue d’envahir et de submerger le présent de peur, de douleur et de colère. Il est intéressant de noter que ce type d’effet peut se produire non seulement à la suite d’une expérience liée à la mort ou à une menace très grave pour sa propre sécurité ou celle des autres, mais aussi à la suite d’événements de nature différente et qui, aux yeux des autres, peuvent même sembler sans importance. C’est donc la perception de la personne, et non la gravité de l’événement en soi, qui le configure comme traumatique, comme en témoignent les récits des nombreux patients qui ont été traumatisés par les événements les plus disparates, comme le fait d’avoir vu une photo extrêmement désagréable sur Internet ou d’avoir lu les messages que leur partenaire a échangés avec leur amant, pour ne citer que quelques exemples.
2. Réactions d’adaptation (« coping reactions »)
Les personnes qui ont été « piégées dans le passé » par un événement traumatique ont généralement recours à certaines stratégies défensives pour tenter de surmonter le traumatisme subi. Il s’agit souvent de réactions spontanées que les personnes mettent en oeuvre dans l’espoir illusoire de pouvoir effacer le traumatisme de leur mémoire mais qui, malheureusement, finissent par le maintenir encore plus vivant et présent.
La principale réaction d’adaptation est la tentative de contrôler ses pensées et d’oublier l’expérience traumatisante. La personne est constamment engagée dans une bataille pour contrôler ses pensées, avec l’illusion qu’elle peut en quelque sorte oublier le traumatisme vécu et garder sous contrôle les sentiments effrayants qui y sont liés. Le fait d’essayer de ne pas penser ou d’oublier produit paradoxalement encore plus de pensées sur ce que l’on aimerait oublier. Comme l’a admirablement exprimé Michel de Montaigne : « Rien ne fixe si intensément une chose dans la mémoire que le désir de l’oublier. »
La deuxième réaction typique est l’évitement de toutes les situations associées au traumatisme : la personne a tendance à éviter les lieux et les personnes directement liés à l’événement, mais elle peut aussi aller jusqu’à éviter tout ce qui pourrait susciter chez elle des émotions similaires à celles qu’elle a ressenties pendant le traumatisme. Mais chaque évitement entraîne inévitablement une chaîne d’évitements progressifs qui, s’ils donnent sur le moment l’illusion de se protéger, finissent par confirmer à la personne qui les pratique la dangerosité d’un éventail de plus en plus large de situations et son incapacité à les gérer. L’effet final sera d’augmenter encore la peur et la douleur du traumatisme et d’invalider encore plus la vie de la personne. Une troisième réaction est la demande d’aide et de réconfort, c’est-à-dire la tendance à toujours être accompagné et réconforté par quelqu’un qui peut intervenir en cas de crise ou qui est simplement disponible pour rassurer verbalement. L’effet de cette stratégie apparaît d’abord résolument rassurant pour la personne mais, progressivement, comme l’évitement, elle conduit à l’aggravation de la peur. En effet, la possibilité même d’avoir quelqu’un prêt à intervenir pour aider confirme au sujet son incapacité à affronter seul les situations redoutées et à en gérer les conséquences.
Ce processus tend également à se généraliser et conduit souvent la personne à établir de véritables formes de dépendance à l’égard d’autrui. L’implication d’autrui prend parfois la forme d’une « plainte », dans laquelle la personne ressent le besoin de continuer à parler du traumatisme vécu et des sentiments qui y sont liés, dans l’illusion de se « défouler ». Parler produit un double effet : dans un premier temps le sentiment de soulagement lié au fait d’avoir « jeté ce qu’il y avait à l’intérieur » et partagé le malaise ; dans un second temps, cependant, cela se traduit par un besoin de plus en plus pressant de s’épancher et par une incapacité croissante à gérer seul ses propres sentiments. Dans les cas les plus graves, la personne se sent tellement submergée par le malaise qu’elle en arrive à un retrait lent et progressif de la vie, un véritable « renoncement » qui peut déboucher sur des troubles dépressifs sévères.
3. L’importance de la première séance
Le patient qui vient en thérapie pour un syndrome de stress post-traumatique a un besoin urgent d’être compris, d’être aidé et ainsi de surmonter le traumatisme passé qui affecte tellement sa vie actuelle. En général, il s’agit de personnes qui ont une grande motivation et un grand besoin de changer, mais qui ne parviennent pas à le faire, même de manière minimale, parce qu’elles sont continuellement submergées par la combinaison de peur, de douleur et de colère que l’événement traumatique a introduite dans leur vie. Il est donc fondamental que le thérapeute se montre d’une part comme un véritable « technicien spécialisé », capable de guider efficacement le patient vers un dépassement rapide du problème, mais d’autre part qu’il sache créer une relation de forte coparticipation émotionnelle, pour que le patient sente qu’il comprend son état émotionnel. En effet, les personnes ayant subi un traumatisme, contrairement à d’autres types de patients, ont un fort besoin d’acceptation et de proximité relationnelle, et ne seraient guère disposées à suivre un thérapeute trop « froid » ou médicalisant. Il s’agit donc d’une situation dans laquelle le thérapeute doit constamment osciller entre les dimensions de proximité-détachement, de technicité-compréhension, afin de maximiser l’efficacité de l’intervention thérapeutique.
Pour ce faire, il doit non seulement savoir choisir les stratagèmes d’intervention appropriés, mais aussi savoir se mettre à l’écoute des modalités perceptives et émotionnelles du patient par le biais d’une communication suggestive qui exploite pleinement le potentiel évocateur du langage. Il sera donc très important d’éviter une communication trop pressante et de laisser au contraire un espace suffisant pour que le patient puisse s’exprimer à son rythme et à sa manière, en sachant l’écouter, souvent longtemps, avec un silence participatif qui ne révèle ni gêne ni froideur, mais plutôt de la compassion et une participation émotionnelle. L’utilisation d’une communication non verbale et paralinguistique appropriée sera également fondamentale : les gestes, la posture, le ton de la voix, le rythme et le volume devront être adaptés à la personne, de manière à créer dès le départ la confiance nécessaire pour que la personne décide de s’en remettre au thérapeute et à ses indications.
4. Transformer la blessure en cicatrice : le roman du traumatisme
Toutes les réactions d’adaptation décrites ci-dessus renvoient au même mécanisme sous-jacent : la tentative désespérée d’effacer le passé traumatique et de calmer la tempête émotionnelle qu’il a déclenchée dans la vie du patient.
L’intervention thérapeutique doit donc être principalement orientée vers le déblocage de ces mécanismes dysfonctionnels en guidant le patient pour qu’il « remette le passé dans le passé ». La principale technique développée à cette fin est la prescription du « roman du traumatisme ». A la fin du premier entretien, nous demandons à la personne de mettre par écrit, comme dans une sorte de roman, tous les souvenirs du traumatisme passé – images, sentiments, souvenirs, pensées – avec le plus de détails possible. Chaque jour, la personne devra reprendre par écrit ces moments terribles jusqu’à ce qu’elle ait l’impression d’avoir écrit tout ce qu’il fallait dire. Il est important que le récit soit quotidien, redondant et aussi détaillé que possible. Une fois écrit, il devra signer et mettre le tout dans une enveloppe. Lors de la séance suivante, il remettra tous ses écrits au thérapeute.
La logique de cette manoeuvre est très bien exprimée dans l’aphorisme de Robert Frost : « si vous voulez en sortir, il faut passer par là », une manière très évocatrice de faire sentir à la personne combien il est indispensable d’accepter de s’immerger dans sa douleur pour finalement en sortir. Le roman du trauma guide la personne pour qu’elle relocalise l’événement traumatique dans le passé – on pourrait dire qu’elle le « classe » – afin qu’il n’imprègne plus le présent, grâce à quatre effets importants.
Le premier effet consiste à extérioriser tous les souvenirs, images, flashbacks, que le patient éprouve, c’est-à-dire à extraire ce qui était auparavant à l’intérieur. En transférant quotidiennement les souvenirs sur le papier, petit à petit le patient découvre qu’il peut laisser s’écouler ce flux émotionnel intense, en le réorganisant sous forme de récit, jusqu’à ce qu’il puisse s’en débarrasser. La répétition quotidienne du récit déclenche un deuxième effet important : un processus d’« habituation » physiologique aux souvenirs traumatisants, phénomène par lequel un stimulus qui se répète émousse la perception et réduit l’activation de la réponse émotionnelle spécifique. En recherchant activement et quotidiennement les pires souvenirs et les sensations les plus effrayantes et douloureuses pour les transcrire, la personne finit par ne plus les vivre comme quelque chose d’intrusif et d’incontrôlable, mais plutôt comme quelque chose de gérable, précisément parce qu’ils sont recherchés volontairement et ne sont plus subis. En vertu de ce processus d’accoutumance, la reprise par écrit de l’événement tragique permet, au fil des jours, de se détacher progressivement de la peur, de la douleur et de la colère qu’il a provoquées. Le point d’arrivée final sera de relocaliser temporellement le passé dans le passé. Grâce au roman traumatique, la plaie laissée ouverte par le traumatisme se transforme progressivement en une cicatrice qui, sans disparaître complètement, permet à la personne de reprendre possession de son présent. Enfin, la remise du roman au thérapeute représente une sorte de « rite de passage » du dépassement de l’événement traumatique qui amplifie de manière suggestive l’effet produit par l’exécution de la prescription.
Lors des rencontres suivantes, la prescription est réitérée, mais non plus comme une indication quotidienne, mais plutôt comme un outil qui peut être utilisé « en cas de besoin », dans l’éventualité où certains souvenirs ou images douloureuses referaient surface et nécessiteraient d’être transcrits et archivés. Le roman traumatique est sans aucun doute la principale technique de traitement des traumatismes, précisément parce qu’il intervient directement sur la réaction d’adaptation de base – essayer de ne pas se souvenir – et sur ses mécanismes neurophysiologiques de base. En effet, il est aujourd’hui largement démontré que l’écriture est un outil extrêmement puissant pour la réélaboration des événements traumatiques, puisqu’elle permet de réintégrer les souvenirs traumatiques, souvent fragmentés en traces émotionnelles très intenses mais isolées, dans un récit unique. De cette manière, il produit non seulement une dilution de leur charge émotionnelle, mais aussi une réorganisation neuroplastique des réseaux neuronaux et…
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Le mot « traumatisme » vient du grec et signifie « blessure ». Qu’il s’agisse d’un tremblement de terre, d’un attentat terroriste, d’une agression ou d’un accident de voiture, le traumatisme est comme un éclair qui déchire soudainement le sens de la réalité, produisant une profonde lacération dans la vie d’une personne entre un « avant » – dans lequel le monde était sûr et prévisible – et un « après », dans lequel rien n’est plus sous contrôle. Lorsque le traumatisme se répète comme dans une sorte d’éternel présent, nous sommes confrontés au syndrome de stress post-traumatique. Les personnes souffrant de ce trouble (TSPT) éprouvent des souvenirs récurrents et intrusifs de l’événement jusqu’à de véritables flashbacks, des cauchemars très vifs de l’expérience traumatisante, des insomnies, de l’irritabilité, de l’anxiété généralisée et de la tension.
Ces symptômes peuvent être associés à un état physique de vertige, à une réduction marquée de l’intérêt pour des activités auparavant agréables et à un sentiment de détachement ou d’éloignement des autres personnes. Dans tous ces cas, on peut dire que la personne reste littéralement « piégée » dans le passé, qui continue d’envahir et de submerger le présent de peur, de douleur et de colère. Il est intéressant de noter que ce type d’effet peut se produire non seulement à la suite d’une expérience liée à la mort ou à une menace très grave pour sa propre sécurité ou celle des autres, mais aussi à la suite d’événements de nature différente et qui, aux yeux des autres, peuvent même sembler sans importance. C’est donc la perception de la personne, et non la gravité de l’événement en soi, qui le configure comme traumatique, comme en témoignent les récits des nombreux patients qui ont été traumatisés par les événements les plus disparates, comme le fait d’avoir vu une photo extrêmement désagréable sur Internet ou d’avoir lu les messages que leur partenaire a échangés avec leur amant, pour ne citer que quelques exemples.
2. Réactions d’adaptation (« coping reactions »)
Les personnes qui ont été « piégées dans le passé » par un événement traumatique ont généralement recours à certaines stratégies défensives pour tenter de surmonter le traumatisme subi. Il s’agit souvent de réactions spontanées que les personnes mettent en oeuvre dans l’espoir illusoire de pouvoir effacer le traumatisme de leur mémoire mais qui, malheureusement, finissent par le maintenir encore plus vivant et présent.
La principale réaction d’adaptation est la tentative de contrôler ses pensées et d’oublier l’expérience traumatisante. La personne est constamment engagée dans une bataille pour contrôler ses pensées, avec l’illusion qu’elle peut en quelque sorte oublier le traumatisme vécu et garder sous contrôle les sentiments effrayants qui y sont liés. Le fait d’essayer de ne pas penser ou d’oublier produit paradoxalement encore plus de pensées sur ce que l’on aimerait oublier. Comme l’a admirablement exprimé Michel de Montaigne : « Rien ne fixe si intensément une chose dans la mémoire que le désir de l’oublier. »
La deuxième réaction typique est l’évitement de toutes les situations associées au traumatisme : la personne a tendance à éviter les lieux et les personnes directement liés à l’événement, mais elle peut aussi aller jusqu’à éviter tout ce qui pourrait susciter chez elle des émotions similaires à celles qu’elle a ressenties pendant le traumatisme. Mais chaque évitement entraîne inévitablement une chaîne d’évitements progressifs qui, s’ils donnent sur le moment l’illusion de se protéger, finissent par confirmer à la personne qui les pratique la dangerosité d’un éventail de plus en plus large de situations et son incapacité à les gérer. L’effet final sera d’augmenter encore la peur et la douleur du traumatisme et d’invalider encore plus la vie de la personne. Une troisième réaction est la demande d’aide et de réconfort, c’est-à-dire la tendance à toujours être accompagné et réconforté par quelqu’un qui peut intervenir en cas de crise ou qui est simplement disponible pour rassurer verbalement. L’effet de cette stratégie apparaît d’abord résolument rassurant pour la personne mais, progressivement, comme l’évitement, elle conduit à l’aggravation de la peur. En effet, la possibilité même d’avoir quelqu’un prêt à intervenir pour aider confirme au sujet son incapacité à affronter seul les situations redoutées et à en gérer les conséquences.
Ce processus tend également à se généraliser et conduit souvent la personne à établir de véritables formes de dépendance à l’égard d’autrui. L’implication d’autrui prend parfois la forme d’une « plainte », dans laquelle la personne ressent le besoin de continuer à parler du traumatisme vécu et des sentiments qui y sont liés, dans l’illusion de se « défouler ». Parler produit un double effet : dans un premier temps le sentiment de soulagement lié au fait d’avoir « jeté ce qu’il y avait à l’intérieur » et partagé le malaise ; dans un second temps, cependant, cela se traduit par un besoin de plus en plus pressant de s’épancher et par une incapacité croissante à gérer seul ses propres sentiments. Dans les cas les plus graves, la personne se sent tellement submergée par le malaise qu’elle en arrive à un retrait lent et progressif de la vie, un véritable « renoncement » qui peut déboucher sur des troubles dépressifs sévères.
3. L’importance de la première séance
Le patient qui vient en thérapie pour un syndrome de stress post-traumatique a un besoin urgent d’être compris, d’être aidé et ainsi de surmonter le traumatisme passé qui affecte tellement sa vie actuelle. En général, il s’agit de personnes qui ont une grande motivation et un grand besoin de changer, mais qui ne parviennent pas à le faire, même de manière minimale, parce qu’elles sont continuellement submergées par la combinaison de peur, de douleur et de colère que l’événement traumatique a introduite dans leur vie. Il est donc fondamental que le thérapeute se montre d’une part comme un véritable « technicien spécialisé », capable de guider efficacement le patient vers un dépassement rapide du problème, mais d’autre part qu’il sache créer une relation de forte coparticipation émotionnelle, pour que le patient sente qu’il comprend son état émotionnel. En effet, les personnes ayant subi un traumatisme, contrairement à d’autres types de patients, ont un fort besoin d’acceptation et de proximité relationnelle, et ne seraient guère disposées à suivre un thérapeute trop « froid » ou médicalisant. Il s’agit donc d’une situation dans laquelle le thérapeute doit constamment osciller entre les dimensions de proximité-détachement, de technicité-compréhension, afin de maximiser l’efficacité de l’intervention thérapeutique.
Pour ce faire, il doit non seulement savoir choisir les stratagèmes d’intervention appropriés, mais aussi savoir se mettre à l’écoute des modalités perceptives et émotionnelles du patient par le biais d’une communication suggestive qui exploite pleinement le potentiel évocateur du langage. Il sera donc très important d’éviter une communication trop pressante et de laisser au contraire un espace suffisant pour que le patient puisse s’exprimer à son rythme et à sa manière, en sachant l’écouter, souvent longtemps, avec un silence participatif qui ne révèle ni gêne ni froideur, mais plutôt de la compassion et une participation émotionnelle. L’utilisation d’une communication non verbale et paralinguistique appropriée sera également fondamentale : les gestes, la posture, le ton de la voix, le rythme et le volume devront être adaptés à la personne, de manière à créer dès le départ la confiance nécessaire pour que la personne décide de s’en remettre au thérapeute et à ses indications.
4. Transformer la blessure en cicatrice : le roman du traumatisme
Toutes les réactions d’adaptation décrites ci-dessus renvoient au même mécanisme sous-jacent : la tentative désespérée d’effacer le passé traumatique et de calmer la tempête émotionnelle qu’il a déclenchée dans la vie du patient.
L’intervention thérapeutique doit donc être principalement orientée vers le déblocage de ces mécanismes dysfonctionnels en guidant le patient pour qu’il « remette le passé dans le passé ». La principale technique développée à cette fin est la prescription du « roman du traumatisme ». A la fin du premier entretien, nous demandons à la personne de mettre par écrit, comme dans une sorte de roman, tous les souvenirs du traumatisme passé – images, sentiments, souvenirs, pensées – avec le plus de détails possible. Chaque jour, la personne devra reprendre par écrit ces moments terribles jusqu’à ce qu’elle ait l’impression d’avoir écrit tout ce qu’il fallait dire. Il est important que le récit soit quotidien, redondant et aussi détaillé que possible. Une fois écrit, il devra signer et mettre le tout dans une enveloppe. Lors de la séance suivante, il remettra tous ses écrits au thérapeute.
La logique de cette manoeuvre est très bien exprimée dans l’aphorisme de Robert Frost : « si vous voulez en sortir, il faut passer par là », une manière très évocatrice de faire sentir à la personne combien il est indispensable d’accepter de s’immerger dans sa douleur pour finalement en sortir. Le roman du trauma guide la personne pour qu’elle relocalise l’événement traumatique dans le passé – on pourrait dire qu’elle le « classe » – afin qu’il n’imprègne plus le présent, grâce à quatre effets importants.
Le premier effet consiste à extérioriser tous les souvenirs, images, flashbacks, que le patient éprouve, c’est-à-dire à extraire ce qui était auparavant à l’intérieur. En transférant quotidiennement les souvenirs sur le papier, petit à petit le patient découvre qu’il peut laisser s’écouler ce flux émotionnel intense, en le réorganisant sous forme de récit, jusqu’à ce qu’il puisse s’en débarrasser. La répétition quotidienne du récit déclenche un deuxième effet important : un processus d’« habituation » physiologique aux souvenirs traumatisants, phénomène par lequel un stimulus qui se répète émousse la perception et réduit l’activation de la réponse émotionnelle spécifique. En recherchant activement et quotidiennement les pires souvenirs et les sensations les plus effrayantes et douloureuses pour les transcrire, la personne finit par ne plus les vivre comme quelque chose d’intrusif et d’incontrôlable, mais plutôt comme quelque chose de gérable, précisément parce qu’ils sont recherchés volontairement et ne sont plus subis. En vertu de ce processus d’accoutumance, la reprise par écrit de l’événement tragique permet, au fil des jours, de se détacher progressivement de la peur, de la douleur et de la colère qu’il a provoquées. Le point d’arrivée final sera de relocaliser temporellement le passé dans le passé. Grâce au roman traumatique, la plaie laissée ouverte par le traumatisme se transforme progressivement en une cicatrice qui, sans disparaître complètement, permet à la personne de reprendre possession de son présent. Enfin, la remise du roman au thérapeute représente une sorte de « rite de passage » du dépassement de l’événement traumatique qui amplifie de manière suggestive l’effet produit par l’exécution de la prescription.
Lors des rencontres suivantes, la prescription est réitérée, mais non plus comme une indication quotidienne, mais plutôt comme un outil qui peut être utilisé « en cas de besoin », dans l’éventualité où certains souvenirs ou images douloureuses referaient surface et nécessiteraient d’être transcrits et archivés. Le roman traumatique est sans aucun doute la principale technique de traitement des traumatismes, précisément parce qu’il intervient directement sur la réaction d’adaptation de base – essayer de ne pas se souvenir – et sur ses mécanismes neurophysiologiques de base. En effet, il est aujourd’hui largement démontré que l’écriture est un outil extrêmement puissant pour la réélaboration des événements traumatiques, puisqu’elle permet de réintégrer les souvenirs traumatiques, souvent fragmentés en traces émotionnelles très intenses mais isolées, dans un récit unique. De cette manière, il produit non seulement une dilution de leur charge émotionnelle, mais aussi une réorganisation neuroplastique des réseaux neuronaux et…
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ROBERTA MILANESE
Psychologue, psychothérapeute et chercheuse associée au centre de thérapie stratégique d’Arezzo. Elle collabore depuis plus de vingt-cinq ans avec Giorgio Nardone et elle a largement contribué à l’évolution du modèle de la thérapie stratégique. Elle enseigne dans différentes écoles et universités en Italie et participe à des congrès internationaux en Europe, Etats-Unis et Amérique latine. Elle a publié de nombreux livres traduits dans différentes langues dont en français : Manger beaucoup, à la folie, pas du tout... (avec Giorgio Nardone et Tiziana Verbitz), Surmonter les expériences traumatiques avec la thérapie stratégique (avec Federica Cagnoni), Psychopilules. Pour une utilisation éthique et stratégique des médicaments psychoactifs (avec Alberto Caputo), Le toucher, le remède, la parole... (avec Simona Milanese).
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