Un excellent article du journal Sud Ouest, ou la journaliste Isabelle Castéra décrit avec des mots simples l'approche de travail en hypnose médicale du Dr Fabrice Lakdja.
Il est remarquable, que pour une fois, on ose critiquer les pseudos hypnotiseurs non professionnels de santé, qui sont comme le dit si bien le Dr Lakdja, "des prédateurs de vulnérabilités".
A l'hôpital Bergonié, le centre antidouleur propose de l'hypnose médicale aux patients. Reportage les yeux ouverts.
l ne dort pas. Il est dans un espace-temps décalé. À la fois ici, puisqu'il entend tout, mais déconnecté de cette réalité. En fait, Jean-Pierre, 65 ans, est précisément en train de pêcher avec son père. Il a 8 ans peut-être, c'est l'été sans doute, il entend le ruissellement de l'eau, il sent la chaleur du soleil derrière son cou, la présence rassurante du papa. Il n'a plus mal du tout.
Retour dans notre espace-temps. Nous sommes au sein du service antidouleur de l'Institut Bergonié, centre de lutte contre le cancer à Bordeaux. Le docteur Fabrice Lakdja, anesthésiste-réanimateur, a participé à l'ouverture de ce service en 1988. Il a créé en même temps, un diplôme universitaire de douleur et, il y a cinq ans, un autre diplôme ultra-précurseur d'hypnose médicale.
QUELS RISQUES ?
L'hypnothérapie n'a pas grand-chose à voir avec l'hypnose de théâtre ou de music-hall. Elle répond à des règles strictes. Actuellement, les cabinets d'hypnose se montent à tous les coins de rue. On soigne les addictions au tabac, à l'alcool, les dépendances affectives, le mal-être professionnel. Ceci avec plus ou moins de bonheur. Avant d'entamer un travail, mieux vaut connaître les antécédents de l'hypnotiseur. Est-il réellement thérapeute par exemple ? L'hypnothérapie est réservée aux soignants. « Méfions-nous des prédateurs de vulnérabilités », plaide le docteur Lakdja.
Ce jour-là, Jean-Pierre, 65 ans, donc, victime d'un cancer de la prostate tente pour la première fois, une séance d'hypnose médicale. « Je souffre de douleurs neurologiques aux extrémités des mains et des pieds, suite à mes séances de chimiothérapie, justifie le patient. Cette douleur m'empêche de vivre normalement, j'ai du mal à marcher, à tenir les objets et j'ai tout essayé au niveau des antalgiques. En vain. Je cherche un soulagement, par tous les moyens. »
Lorsque le docteur Lakdja lui a proposé l'hypnothérapie, Jean-Pierre a ouvert de grands yeux. « J'étais surpris, reprend-il. L'hypnose pour moi, c'était un truc irrationnel, un truc de magicien, mais pas de médecin. Alors j'ai lu des articles, je me suis renseigné. Et me voilà. »
Une veille paradoxale
En préalable, ce patient a été reçu par le médecin et a subi un questionnaire très pointu sur ses antécédents médicaux. Puis, Fabrice Lakdja lui a demandé de griffonner un petit texte qui raconte un moment de sa vie où il a été particulièrement heureux, serein. D'où la partie de pêche avec le papa…
La lumière a été tamisée, Jean-Pierre a ôté ses chaussures et sans appréhension aucune s'est allongé sur le lit. Il a fermé les yeux, a compté vingt respirations, tendu autour de lui une « toile protectrice » et s'est laissé embarquer. Le médecin pose sa voix, il raconte le souvenir de Jean-Pierre : une suggestion hypnotique sur laquelle le patient va pouvoir s'ancrer. Il revoit les visages aimés de son père, de sa mère, ses cousines chez qui il allait passer ses vacances l'été. Il a 8 ans. État de veille paradoxale.
Anesthésie
La séance va durer une demi-heure. Puis doucement, le patient bouge, respire à nouveau jusqu'à 20, ouvre les yeux. Que s'est-il passé ? « Je ne dormais pas, commente-t-il. C'était délicieux, j'ai plongé dans cette époque de bien-être. Je savais que j'étais à Bergonié, attention… Mais, j'ai lâché prise et surtout pendant tout ce temps, je n'ai pas eu mal aux pieds et aux mains. Pas du tout. »
Jean-Pierre reviendra la semaine prochaine. Lors de cette séance, le médecin le fera - en état d'hypnose - marcher sur du sable, des galets, des cailloux, tout en restant allongé dans son lit. « On pratique l'hypnose thérapeutique avant la chirurgie aussi, spécifie le médecin. Si le patient est coopératif, l'hypnose va faire tomber son niveau d'angoisse, avant l'opération et donc, on pourra utiliser moins de produits anesthésiants : 20 % de la dose habituelle. L'hypnothérapie anesthésiste agit sur l'anxiété. »
Disposition naturelle
L'hypnose est une disposition naturelle du psychisme de l'homme. Il s'agit d'un quatrième état de conscience, aussi intéressant que les trois autres qui sont : le sommeil, l'éveil, le rêve. L'hypnothérapie est une psychothérapie qui soigne des affections ou des dysfonctionnements par le psychisme. « Seuls des professionnels de santé sont habilités à effectuer une thérapie, insiste le docteur Lakdja. Cette hypnothérapie ne peut s'effectuer qu'après un diagnostic médical, l'estimation d'une affection, l'évaluation de toutes les actions de la pratique. Sans cela, elle pourrait se révéler néfaste pour l'hypnotisé. »
Également président de la Ligue contre le cancer en Gironde, le docteur Fabrice Lakdja est un référent dans le domaine de l'hypnose thérapeutique. A ce jour, il a assuré la formation de 150 thérapeutes à cette pratique ancestrale. Des généralistes, des dentistes, des psychiatres, des neurologues, des chirurgiens, des dermatologues, des psychologues.
« J'ai toujours été attiré par le non-conventionnel, souligne le médecin. En tant qu'anesthésiste je sais que le médicament n'agit que sur un temps donné. Indispensable, mais pas entièrement satisfaisant. L'hypnothérapie utilise les ressources du patient, afin de lui redonner ses propres moyens pour faire face à ses propres douleurs. L'imagerie cérébrale a attesté de l'efficacité de l'hypnose, qui désormais constitue pour moi un outil psychothérapeutique formidable pour aider les patients. »