La patiente dont il est question ici est déjà venue me consulter il y a douze ou treize ans. Le travail que nous avions fait lui a permis d’avoir une vie globalement équilibrée et une vie amoureuse satisfaisante. Elle vient maintenant me consulter dans un tout autre état : cette dame d’une quarantaine d’années se plaint d’une grande peur de sortir de chez elle et de postuler pour de nouveaux emplois. Elle est sans défense dans de nombreuses situations relationnelles, tant professionnelles que privées. Elle se réfugie dans son appartement tout comme autrefois elle s’enfermait des heures durant dans un placard pour échapper à son frère...
SON HISTOIRE D’ENFANCE
Lors de sa première Psychothérapie du trauma réassociative (PTR), nous avons effectué un travail de désensibilisation concernant les effets des abus sexuels subis de ses 4 à 12 ans, période pendant laquelle étranglements et autres moyens d’infliger de la douleur physique étaient constants. L’auteur des faits avait 18 ans lorsqu’il a commencé les agressions. Il est le demi-frère de la petite fille. La mère des deux enfants aurait été abusée ou violée elle-même et s’est montrée particulièrement sourde aux appels cependant clairs et répétés de sa fille.
THÉRAPIE PAR PALIERS
Il n’est pas rare de constater que, lors de traumas complexes, peuvent se produire des levées d’amnésies par étapes, offrant à chaque fois une nouvelle qualité de vie plus satisfaisante, comme un moment de répit avant de pouvoir affronter la suite, le plus dur. Pour cette dame, ce sont les sentiments d’amour pour son tortionnaire (syndrome de Stockholm) et le « plaisir » sexuel mécanique ressenti lors des agressions qui constituent une partie importante du trauma qui reste à désensibiliser. Mais quand elle revient me voir, ni elle ni moi ne le savons encore...
POURQUOI HYPNOSE ET TRAUMAS
Des états modifiés de conscience massifs et durables – dissociations – découlent des chocs émotionnels issus d’incidents traumatiques. C’est une des raisons principales pour lesquelles l’hypnose s’invite toujours – qu’on le veuille ou non – dans le traitement des traumas. Traumas et états dissociatifs sont indissociables.
HYPNOSE CONVERSATIONNELLE STRATÉGIQUE POUR ÉTABLIR UNE RELATION QUI LAISSE LIBRE DE SES CHOIX
La patiente connaît déjà la manière de travailler en PTR, c’est-à-dire au moyen d’une hypnose conversationnelle active et néanmoins profonde dans laquelle elle est amenée à se focaliser sur ses émotions et sensations corporelles tout en me tenant librement au courant de ce qui se passe en elle, ce qui lui convient ou pas pour que je puisse la guider au mieux dans « un travail thérapeutique vraiment sur mesure ». Elle est encouragée à partager ce qui lui vient à l’esprit, les meilleures solutions émergeant souvent de l’inconscient du patient. De manière égalitaire chacun a son travail à faire.
INDUCTION UTILISATIONNELLE
En PTR, le patient est conscient de son état d’hypnose d’autant plus qu’il en a été le principal artisan : on utilise essentiellement deux types d’inductions, toutes deux utilisationnelles :
- 1. en développant, parallèlement à la relation thérapeutique, un « bon moment » propre au patient ;
- 2. ou en se focalisant sur les sensations provoquées par des émotions pénibles ou des douleurs psychosomatiques très présentes, voire envahissantes. Ici, étant donné son importance manifeste, c’est à partir de sa peur actuelle de l’extérieur que l’hypnose est induite. Je lui demande de l’amplifier et de me dire où dans son corps elle ressent cette peur, puis de la laisser gagner en profondeur. La sensation corporelle jouant le rôle d’un fil d’Ariane, on laisse venir, on voit où ça mène. La patiente plonge facilement et profondément en elle (comme toujours avec l’induction 2) et retrouve le souvenir (nouvelle levée d’amnésie) de ce qui a sans doute été son premier viol. Il a eu lieu au milieu de la nuit.
UTILISATION DES RESSOURCES HYPNOTIQUES DU PATIENT : LES PROTECTIONS DISSOCIATIVES
Très rapidement, je lui fais remarquer les différentes manifestations hypnotiques qui accompagnent ce souvenir : catalepsie, anesthésies physique et émotionnelle, hébétude (ici, je ne peux pas penser) et impression de disparaître/ne pas exister. Je lui explique que ces différentes « Protections dissociatives » qu’elle ressent en ce moment sont celles qui se sont déjà manifestées à l’époque des viols pour la protéger. Réapparues dès la levée d’amnésie, ces différentes Protections dissociatives s’inviteront et seront utilisées tout au long du travail. Grâce à leur effet étonnamment protecteur la patiente se souvient que, après ce premier viol nocturne, elle en parle à sa maman qui lui dit : « Ça ne s’est pas passé, ce n’est pas vrai ! Ton frère t’aime. Mais ne le dis pas à ton père ! » La patiente me fait part de ses réflexions d’alors sur l’implicite de cette réponse et confie : « Si j’en parlais à papa et qu’il ne me croyait pas, alors je devenais folle. Et s’il m’avait crue, qu’aurait-il fait à maman ? Je ne voulais plus de dispute, ni en être la cause. Parce qu’il y en avait beaucoup. » Lors de la séance suivante, pour ménager ma patiente, l’induction d’hypnose est constituée d’une relation hypnotique sécure et de la reviviscence d’un moment agréable. Elle sera source de renforcement et d’apaisement avant et pendant la tâche qui l’attend. Le bon souvenir choisi par elle, après hésitations et allersretours, est un moment de vacances sur l’Altiplano, dans la cordillère des Andes. La patiente se souvient s’être abritée dans un rocher creux, et surtout ré-expérimente s’êt re sent ie lovée comme dans une matrice. Elle ressent de la sécurité dans le ventre et de l’émerveillement dans la tête. Au cours de la séance, dès qu’il y a trop de souffrance, j’utilise ce ressenti en l’invitant à se remettre dans son endroit protecteur.
TECHNIQUE DES « 20 TV », OU COMMENT TRAITER D’UN COUP DE LONGUES PÉRIODES D’AGRESSIONS
- Thérapeute : « A partir de cet endroit “magique”, je vous suggère de regarder une vingtaine de toutes petites télévisions (TV) de la taille de boîtes d’allumettes : un grand nombre de souvenirs pénibles y défilent les uns après les autres.
- Patiente : Non, c’est trop pénible, je ne veux pas. Je remercie ma patiente pour sa collaboration et la possibilité qu’elle m’offre de mieux adapter mes propositions à ses besoins.
- Th. : OK. Merci. Est-ce que si les TV sont très loin et qu’en plus elles sont retournées c’est mieux ? Cela entraîne les rires de la patiente.
- P . : Oui, on en aperçoit juste le dos, avec les câbles qui en sortent. Et je les ai mises loin, loin, loin à l’horizon. Devant ce besoin de protection renforcé, l’humour amène connivence et légèreté.
- P. (riant encore) : J’ai mis 250 TV plutôt que 20 ! Plus il y en a, moins j’en perçois les contenus.
- Th. : Super ! Et dès qu’un film est passé, il y en a un autre qui arrive...
- P. (riant et faisant un doigt d’honneur avec bonne humeur) : Je vous emmerde !
- Th. (avec autant de plaisir) : Merci ! Toujours expliquer le travail au patient même pendant l’hypnose :
- Th. : En gardant bien présentes les bonnes émotions que vous ressentez dans votre rocher creux et en faisant passer en même temps tous ces films terribles de votre vie, vous transformez les émotions négatives qui y étaient associées. Le tout avec peu de douleur, voire pas du tout. Comme vous voyez, on peut même rire pendant ce processus. Images, sons et sensations anciennes n’auront plus le même impact.
Ce que l’on fait ici, c’est transformer les “enregistrements” de vos traumas. Aujourd’hui, ce ne sont pas les traumas qui vous font souffrir mais leur enregistrement (dans les registres du VAKOG) : alors on les modifie complètement en y associant les bonnes sensations et émotions vécues dans l’Altiplano. »
UTILISATION DE L’ANESTHÉSIE (UNE PROTECTION DISSOCIATIVE)
La patiente parle ensuite de sa vie de femme qui, malgré tous les viols qu’elle a subis, fonctionne bien. Mais quand même, elle a une anesthésie près de l’utérus qui la gêne...
Lire la suite et commandez la Revue Hypnose et Thérapies Brèves
SON HISTOIRE D’ENFANCE
Lors de sa première Psychothérapie du trauma réassociative (PTR), nous avons effectué un travail de désensibilisation concernant les effets des abus sexuels subis de ses 4 à 12 ans, période pendant laquelle étranglements et autres moyens d’infliger de la douleur physique étaient constants. L’auteur des faits avait 18 ans lorsqu’il a commencé les agressions. Il est le demi-frère de la petite fille. La mère des deux enfants aurait été abusée ou violée elle-même et s’est montrée particulièrement sourde aux appels cependant clairs et répétés de sa fille.
THÉRAPIE PAR PALIERS
Il n’est pas rare de constater que, lors de traumas complexes, peuvent se produire des levées d’amnésies par étapes, offrant à chaque fois une nouvelle qualité de vie plus satisfaisante, comme un moment de répit avant de pouvoir affronter la suite, le plus dur. Pour cette dame, ce sont les sentiments d’amour pour son tortionnaire (syndrome de Stockholm) et le « plaisir » sexuel mécanique ressenti lors des agressions qui constituent une partie importante du trauma qui reste à désensibiliser. Mais quand elle revient me voir, ni elle ni moi ne le savons encore...
POURQUOI HYPNOSE ET TRAUMAS
Des états modifiés de conscience massifs et durables – dissociations – découlent des chocs émotionnels issus d’incidents traumatiques. C’est une des raisons principales pour lesquelles l’hypnose s’invite toujours – qu’on le veuille ou non – dans le traitement des traumas. Traumas et états dissociatifs sont indissociables.
HYPNOSE CONVERSATIONNELLE STRATÉGIQUE POUR ÉTABLIR UNE RELATION QUI LAISSE LIBRE DE SES CHOIX
La patiente connaît déjà la manière de travailler en PTR, c’est-à-dire au moyen d’une hypnose conversationnelle active et néanmoins profonde dans laquelle elle est amenée à se focaliser sur ses émotions et sensations corporelles tout en me tenant librement au courant de ce qui se passe en elle, ce qui lui convient ou pas pour que je puisse la guider au mieux dans « un travail thérapeutique vraiment sur mesure ». Elle est encouragée à partager ce qui lui vient à l’esprit, les meilleures solutions émergeant souvent de l’inconscient du patient. De manière égalitaire chacun a son travail à faire.
INDUCTION UTILISATIONNELLE
En PTR, le patient est conscient de son état d’hypnose d’autant plus qu’il en a été le principal artisan : on utilise essentiellement deux types d’inductions, toutes deux utilisationnelles :
- 1. en développant, parallèlement à la relation thérapeutique, un « bon moment » propre au patient ;
- 2. ou en se focalisant sur les sensations provoquées par des émotions pénibles ou des douleurs psychosomatiques très présentes, voire envahissantes. Ici, étant donné son importance manifeste, c’est à partir de sa peur actuelle de l’extérieur que l’hypnose est induite. Je lui demande de l’amplifier et de me dire où dans son corps elle ressent cette peur, puis de la laisser gagner en profondeur. La sensation corporelle jouant le rôle d’un fil d’Ariane, on laisse venir, on voit où ça mène. La patiente plonge facilement et profondément en elle (comme toujours avec l’induction 2) et retrouve le souvenir (nouvelle levée d’amnésie) de ce qui a sans doute été son premier viol. Il a eu lieu au milieu de la nuit.
UTILISATION DES RESSOURCES HYPNOTIQUES DU PATIENT : LES PROTECTIONS DISSOCIATIVES
Très rapidement, je lui fais remarquer les différentes manifestations hypnotiques qui accompagnent ce souvenir : catalepsie, anesthésies physique et émotionnelle, hébétude (ici, je ne peux pas penser) et impression de disparaître/ne pas exister. Je lui explique que ces différentes « Protections dissociatives » qu’elle ressent en ce moment sont celles qui se sont déjà manifestées à l’époque des viols pour la protéger. Réapparues dès la levée d’amnésie, ces différentes Protections dissociatives s’inviteront et seront utilisées tout au long du travail. Grâce à leur effet étonnamment protecteur la patiente se souvient que, après ce premier viol nocturne, elle en parle à sa maman qui lui dit : « Ça ne s’est pas passé, ce n’est pas vrai ! Ton frère t’aime. Mais ne le dis pas à ton père ! » La patiente me fait part de ses réflexions d’alors sur l’implicite de cette réponse et confie : « Si j’en parlais à papa et qu’il ne me croyait pas, alors je devenais folle. Et s’il m’avait crue, qu’aurait-il fait à maman ? Je ne voulais plus de dispute, ni en être la cause. Parce qu’il y en avait beaucoup. » Lors de la séance suivante, pour ménager ma patiente, l’induction d’hypnose est constituée d’une relation hypnotique sécure et de la reviviscence d’un moment agréable. Elle sera source de renforcement et d’apaisement avant et pendant la tâche qui l’attend. Le bon souvenir choisi par elle, après hésitations et allersretours, est un moment de vacances sur l’Altiplano, dans la cordillère des Andes. La patiente se souvient s’être abritée dans un rocher creux, et surtout ré-expérimente s’êt re sent ie lovée comme dans une matrice. Elle ressent de la sécurité dans le ventre et de l’émerveillement dans la tête. Au cours de la séance, dès qu’il y a trop de souffrance, j’utilise ce ressenti en l’invitant à se remettre dans son endroit protecteur.
TECHNIQUE DES « 20 TV », OU COMMENT TRAITER D’UN COUP DE LONGUES PÉRIODES D’AGRESSIONS
- Thérapeute : « A partir de cet endroit “magique”, je vous suggère de regarder une vingtaine de toutes petites télévisions (TV) de la taille de boîtes d’allumettes : un grand nombre de souvenirs pénibles y défilent les uns après les autres.
- Patiente : Non, c’est trop pénible, je ne veux pas. Je remercie ma patiente pour sa collaboration et la possibilité qu’elle m’offre de mieux adapter mes propositions à ses besoins.
- Th. : OK. Merci. Est-ce que si les TV sont très loin et qu’en plus elles sont retournées c’est mieux ? Cela entraîne les rires de la patiente.
- P . : Oui, on en aperçoit juste le dos, avec les câbles qui en sortent. Et je les ai mises loin, loin, loin à l’horizon. Devant ce besoin de protection renforcé, l’humour amène connivence et légèreté.
- P. (riant encore) : J’ai mis 250 TV plutôt que 20 ! Plus il y en a, moins j’en perçois les contenus.
- Th. : Super ! Et dès qu’un film est passé, il y en a un autre qui arrive...
- P. (riant et faisant un doigt d’honneur avec bonne humeur) : Je vous emmerde !
- Th. (avec autant de plaisir) : Merci ! Toujours expliquer le travail au patient même pendant l’hypnose :
- Th. : En gardant bien présentes les bonnes émotions que vous ressentez dans votre rocher creux et en faisant passer en même temps tous ces films terribles de votre vie, vous transformez les émotions négatives qui y étaient associées. Le tout avec peu de douleur, voire pas du tout. Comme vous voyez, on peut même rire pendant ce processus. Images, sons et sensations anciennes n’auront plus le même impact.
Ce que l’on fait ici, c’est transformer les “enregistrements” de vos traumas. Aujourd’hui, ce ne sont pas les traumas qui vous font souffrir mais leur enregistrement (dans les registres du VAKOG) : alors on les modifie complètement en y associant les bonnes sensations et émotions vécues dans l’Altiplano. »
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GÉRALD BRASSINE
Psychothérapeute, formateur en hypnose et thérapie brève. Fondateur de l’Institut Milton H. Erickson de Belgique (1984) et de celui du Nord de la France. Formations décisives auprès de P. Watzlawick, J. Weakland, R. Fisch, N. Cummings et Kay Thompson. Créateur de l’Hypnose conversationnelle stratégique-PTR. Auteur de : Faut-il parler de ça aux enfants ? Prévenir, détecter et gérer les abus sexuels subis par les enfants ; La vengeance du Jaguar ; Pour une intervention écologique dans le cadre de l’inceste ; Viols et agressions sexuelles avec usage de stupéfiants.
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