Réhumaniser la science. Jean-Pierre COURTIAL pour la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°71.


DONNER SENS À LA VIE.
Pénétrer le monde des champs morphiques, c’est explorer des notions ou des logiques d’équilibre donner/recevoir, de résonances entre les personnes, d’inconscient collectif, de neurones miroirs, de flux, de septième sens, de liens et d’accordage, de cultures traditionnelles, d’anthropologie symétrique... de transe en hypnose...



DONNER, RECEVOIR, RENDRE

Nous ne fonctionnons pas conformé- ment au sens explicite de ce que nous disons. Le sens de ce que nous faisons vient de ce en quoi cela suppose un don à l’égard de l’autre auquel il devra répondre par un autre don pour nous. Cela suppose :

1. un équilibre donner/recevoir ;

2. des représentations compatibles de part et d’autre de ce qu’est chacun ;

3. et cela au nom d’une humanité commune.

Ce mécanisme a été mis en évidence par Marcel Mauss à propos des sociétés mélanésiennes. Par exemple, j’offre un vélo à un enfant. Cela suppose :

1. qu’il m’en soit reconnaissant ;

2. qu’il aime faire du vélo et que je sois en mesure de lui offrir ;

3. que faire du vélo nous paraisse à tous les deux avoir du sens. A l’inverse, on se manque, par exemple :
1. en ne s’écoutant pas ; ?
2. par jalousie.?
On peut représenter cette logique culturelle opposée à la logique du logos (une chose ne peut être son contraire) de la façon suivante :

C’est aussi la logique du yin et du yang de la pensée asiatique. Cela rejoint la pensée dialectique. Dans les relations mère/ enfant, cela peut porter le nom d’« accordage ». Le cycle peut prendre l’allure d’une spirale (Garnier et Courtial, 2015). L’humanité commune relèverait d’un champ uni- fié (intégrant même les lois de la science).

En société, les récits qu’on partage accompagnant les comportements, les croyances, relient. Ils dégagent même une force ou énergie liée au donner/recevoir/ rendre qu’on appelle Mana dans les sociétés mélanésiennes et Qi dans la pensée asiatique. « Je prends sur moi en t’écoutant (et me laissant influencer), à charge pour toi de me donner en retour en m’écoutant. »

FONCTIONNEMENT VIBRATOIRE OU PAR RÉSONANCE

On entend par champs morphiques les structures comme la forme des cristaux, des organes, des corps, des comportements, des récits, des sociétés. Le cerveau percevrait les champs morphiques à l’aide d’un septième sens. Les structures mentales de l’homme, y compris relationnelles, en font partie, y compris celles qui, suscitant l’empathie, dissolvent un état non relationnel pour y substituer un état relationnel. La théorie des champs morphiques rejoint le modèle dit de l’autopoïèse ou de la biocognition s’agissant de la culture pour rendre compte de la logique du vivant.

L’autopoïèse considère que c’est une certaine co-émergence de processus biologiques qui induit une structure stable à l’origine d’une clôture opérationnelle, un équi- libre entre flux internes et externes, à même de se reproduire. La biocognition reprend ce modèle au niveau de la culture en parlant de co-émergence (diversité des acteurs) plu- tôt que d’émergence et de logique fractale due à la diversité des acteurs. Les structures liées aux champs morphiques ou aux processus autopoïétiques ou biocognitifs tendent à constituer autour des organismes des corps et des sociétés des formes complexes. Plus ces structures se reproduisent et plus elles ont tendance à se reproduire. C’est une loi dite des attracteurs ou de la résonance au sens où la probabilité d’émergence d’une forme est proportionnelle à sa probabilité d’émergence dans le passé, rejoignant le modèle des archétypes. Les champs morphiques représenteraient en quelque sorte la mémoire de l’univers. La culture véhicule les formes comportementales. Plus la culture en est riche et plus ces structures joueront le rôle d’attracteurs. C’est en cela que le rôle de la culture ne relève pas de la logique causale de la science. Le septième sens fonctionnerait à partir des neurones miroirs. Les neurones miroirs sont en effet des neurones qui s’activent de la même manière pour un comportement observé et le même comportement adopté. Les neurones miroirs seraient l’expression des champs morphiques.

Les champs morphiques, à la différence de la causalité, peuvent impliquer une influence du futur, de l’état à atteindre, sur le présent. Le schéma de la Figure 1, de toute façon, est au-delà de la causalité.

STRUCTURES PARADOXALES DES RÉCITS DES CULTURES TRADITIONNELLES

Des récits historiques propres à une culture codent les succès mais aussi les échecs à la rencontre ci-dessus et la façon de les dépasser. Les évoquer dégage alors des ressources. On peut prendre l’exemple d’une femme jalouse de son frère né après elle et, dans le cadre de la société patriarcale, considéré comme l’aîné. Elle a un sentiment d’abandon. Elle se remémore l’épisode biblique de Caïn et Abel. Cet épisode dit que, à la différence d’Abel, le sacrifice de Caïn n’est pas accepté par Dieu, ce que cette femme interprète comme un abandon. Elle ressent alors, par résonance, l’origine de sa violence qu’elle parvient, selon la logique culturelle de la Figure 1, à contrôler.

Une nouvelle interprétation des pratiques religieuses est possible. Les croyances religieuses sont des mythes à interpréter selon le schéma de la Figure 1. Ils pourront induire des champs morphiques que la tradition a rendu vivaces. En d’autres termes, les pratiques religieuses nous mettent en rapport avec le champ unifié à travers les mythes, les rituels, la musique dite sacrée. Par exemple, saint Thomas ne croyant pas à la résurrection du Christ tant qu’il n’a pas touché les plaies de celui-ci, incarne le mythe du sceptique en quelque sorte, champ morphique de la posture du doute. Un témoignage personnel rapporte qu’une personne était en compagnie de sa sœur dont la fille s’était suicidée. Elle s’est trouvée auprès de la statue de saint Thomas dans une église proche du lac de Garde en Italie. Là les champs morphiques issus des objets, de l’environnement, ont pu se manifester (voir plus loin). Elle a ressenti tout à coup qu’elle avait eu tort de ne pas croire les propos de sa nièce exprimant sa souffrance avant qu’elle ne finisse par se suicider. Elle se voit alors touchant le corps de sa nièce peut-être comme un apaisement. Le champ morphique du doute avait capté la conscience de cette personne. Les saints des monothéismes rejoignent alors les esprits des sociétés traditionnelles.

On comprend que la logique qui prévaut dans les exemples ci-dessus n’est pas une logique causale, basée entre autres sur des désirs comme le voudrait la psychologie contemporaine. C’est une logique d’états d’équilibre basés sur des résonances entre les personnes.

LOGIQUE DE LA CULTURE

Une culture ne fonctionne donc pas sur la base du sens littéral des discours qui la décrivent, mais sur la base de l’identité qu’elle peut conférer aux personnes à partir de l’équilibre des échanges donner/ recevoir de la Figure 1. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le fonctionnement de la communauté scientifique illustre cette logique. C’est en effet le réseau des associations entre mots utilisés par les chercheurs dans leurs articles scientifiques qui sous-tend la logique de la construction des connaissances ...

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Professeur émérite en sciences de l’information et de la communication, université de Nantes. Ingénieur Ecole centrale, diplômé en psychologie sociale, ancien chercheur au Centre de sociologie de l’Ecole des Mines de Paris. Coauteur d’un logiciel d’analyse du contenu d’articles scientifiques, puis professeur à la faculté de Psychologie de Nantes. Formé à l’hypnose à l’ARePTA-IMHENA Nantes.

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- Formateur en Hypnose Médicale, Ericksonienne et EMDR - IMO au CHTIP Collège Hypnose Thérapies… En savoir plus sur cet auteur

Rédigé le 22/07/2024 à 20:27 | Lu 247 fois modifié le 22/07/2024



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